Yourcenar
Abdoulaye DIOUF, étudiant en M2, 2006/2007
La présence de la théorie dans le roman qui désintègre la forme traditionnelle du genre et pose en même temps la problématique de la transgénéricité est au cœur des Mémoires d’Hadrien de Marguerite Yourcenar. Dans les Carnets de notes qui suivent le texte fictif, elle s’en explique comme suit : Le roman dévore aujourd’hui toutes les formes ; on est à peu près forcé d’en passer par lui. Cette étude sur la destinée d’un homme qui s’est nommé Hadrien eût été une tragédie au XVIIe siècle ; c’eût été un essai à l’époque de la Renaissance (p.340)
A partir de ce moment, la lecture de l’œuvre nécessite une nouvelle taxinomie eu égard à l’ampleur de son projet qui a généré cette hybridité dont parle Caroline Guslevic : Mémoires d’Hadrien est une œuvre protéiforme, qui ne se coule pas dans le moule d’un genre unique et strictement codifié mais emprunte – sans le respecter rigoureusement – plusieurs cadres narratifs qui s’enchâssent, pour mieux rendre compte de la complexité de l’enjeu : faire parler un empereur du IIe siècle, ayant réellement existé tient de la gageure. L’Histoire n’y suffit pas, la fiction seule mentirait trop1.
S’il est vrai, en effet que les Mémoires sont écrits à la première personne, il est également vrai que, constamment la figure de l’empereur s’estompe comme sujet évident de l’acte narratif pour laisser place à de longues méditations, à des réflexions et à des expressions impersonnelles à valeur de sentences, de maximes, de proverbes comme dans la pure tradition des moralistes classiques. Quelle est cependant la place de la théorie dans le récit ? Sous quelles formes s’y décline t-elle ? Quels sont ses rapports avec l’histoire anecdotique de l’empereur narrateur ? Quelle est la fonction de cette théorie, comment s’accommode t-elle avec la tension propre à l’écriture yourcenarienne ?
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Marguerite Yourcenar Mémoires