A quelles conditions la réécriture d’une œuvre littéraire devient-elle une création à part entière ?
« Tout le monde imite » déclare Aragon dans la préface de son ouvrage Les Yeux d’Elsa, nommée « Arma virumque cano », reprenant ainsi lui-même pour titre le premier vers de l’Enéide de Virgile. Si Aragon affirme avec désinvolture qu’il imite, c’est que cette imitation ne le condamne pas à la répétition. Pour lui, c’est donc une chance de pouvoir s’appuyer sur ces prédécesseurs. Pourtant, cela ne l’empêche pas d’être un véritable créateur. A quelles conditions la réécriture d’une œuvre littéraire devient-elle une création à part entière ? Cela revient à se demander en quoi la réécriture est création. C’est ce que nous étudierons en nous demandant comment aujourd’hui il est possible de ne pas réécrire, puis en prouvant que l’art est dans la transformation, avant de mettre en évidence le rôle majeur du lecteur.
« Tout est dit, et l’on vient trop tard, depuis plus de sept mille ans qu’il y a des hommes et qui pensent » écrit La Bruyère au début de ses Caractères, qui tire effectivement leurs inspirations de l’ouvre du grec Théophraste. Comment, au XXIème siècle, peut-on créer, alors qu’au XVIIème, La Bruyère ne le pouvait déjà plus ? Est-il seulement possible pour un artiste de ne pas imiter ?
En effet, mêmes les textes les plus anciens de la littérature occidentale sont des réécritures, puisque l’Iliade et l’Odyssée d’Homère ont avant tout été transmises par la tradition orale. Depuis cette époque-là, l’homme dispose des mêmes thèmes et a toujours les mêmes préoccupations que sont la vie, la mort, l’amour, le bonheur, … Ainsi, les dramaturges du XVIIème siècle vont puiser dans les ressources antiques afin de se conformer au classicisme. C’est le cas de Molière qui s’inspire de Plaute pour écrire Amphitryon ou l’Avare, dont la pièce latine se nommait L’Aulularia, soit la marmite. Les mêmes histoires reviennent à toutes les époques. Ainsi, Giraudoux prétend-t-il