A l'ouest rien de nouveau
A l'ouest rien de nouveau, roman pacifiste, réaliste et bouleversant, connut, des sa parution en 1928, un succes mondial retentissant et reste l'un des ouvrages les plus remarquables sur la monstruosité de la guerre.
- I -
Nous sommes à neuf kilomètres en arrière du front. On nous a relevés hier. Maintenant, nous avons le ventre plein de haricots blancs avec de la viande de boeuf et nous sommes rassasiés et contents. Même, chacun a pu encore remplir sa gamelle pour ce soir ; il y a en outre double portion de saucisse et de pain : c'est une affaire !
Pareille chose ne nous est pas arrivée depuis longtemps ; le cuistot, avec sa rouge tête de tomate, va jusqu'à nous offrir lui-même ses vivres. A chaque passant il fait signe avec sa cuiller et lui donne une bonne tapée de nourriture.
Il est tout désespéré parce qu'il ne sait pas comment il pourra vider à fond son "canon à rata". Tjaden et
Müller ont déniché des cuvettes et ils s'en sont fait mettre jusqu'aux bords, comme réserve. Tjaden agit ainsi par boulimie, Müller par prévoyance. Où Tjaden fourre tout cela, c'est une énigme pour tout le monde : il est et reste plat comme un hareng maigre.
Mais le plus fameux, c'est qu'il y a eu aussi double ration de tabac. Pour chacun, dix cigares, vingt cigarettes et deux carottes à chiquer : c'est très raisonnable. J'ai troqué avec Katczinsky mon tabac à chiquer pour ses cigarettes, cela m'en fait quarante. Ça suffira bien pour une journée.
A vrai dire, toute cette distribution ne nous était pas destinée. Les Prussiens ne sont pas si généreux que ça.
Nous la devons simplement à une erreur.
Il y a quinze jours, nous montâmes en première ligne pour relever les camarades. Notre secteur était