Dans Ru, est-il juste d’affirmer que la beauté transcende tout le reste ?
La beauté mal cachée La guerre de Vietnam, de 1959 à 1975, a profondément bouleversé la population de la péninsule indochinoise. La vie paisible devient une longue lutte pour la survie et beaucoup prennent le chemin de l’exile. Tel est le cas de Nguyễn An TỊnh, la narratrice du roman Ru (2009) de Kim Thúy qui vit les malheurs des rescapés. Elle résiste face aux atrocités de la guerre et aux difficultés de vivre dans une autre culture en cherchant le côté beau de l’existence. Convaincue que la beauté n’est pas affectée par l’environnement où l’on se baigne, elle continue inlassablement de mettre en évidence les aspects vraiment importants de la vie. La beauté est souvent cachée sous des sédiments d’abjection qui doivent être écartés.
L’existence de la narratrice et des gens qu’elle rencontre est comme une longue quête de la beauté dans tout ce qui les entoure. D’un côté, dans la cale du bateau qui les mène vers la liberté, Kim Thúy observe les Vietnamiens entassés qui ont, pourtant, le pouvoir de garder vive la beauté de leur âme. Il y a cette femme qui chante une berceuse pour apaiser la douleur de ceux qui partagent le même sort : « Ce goût d’huile dans la gorge, sur la langue, dans la tête nous endormait au rythme de la berceuse chantée par ma voisine. » (p. 15). Le sommeil devient possible grâce à cette inconnue qui chante au lieu de se plaindre. Ces moments de beauté s’imprègnent dans la mémoire de la narratrice et lui montrent qu’il y a bien des raisons pour continuer de lutter et de se construire une meilleure vie. D’autre côté, à Montréal, elle découvre la beauté de la littérature grâce à Monsieur Ming, un des clients du restaurant où son père est employé. An TỊnh lui est reconnaissante : « Monsieur Minh m’a donné le désir d’écrire » (p. 97). Le respect pour cet admirable homme est marqué par le titre de respect « monsieur » qui précède toujours le nom de celui-ci. De plus, les