et l'immobilisait de plus belle. Il restait juste là devant ce mur de pierre froid.

En ce début de soirée, la jeune femme broyait du noir, du temps et beaucoup d'alcool dans son appartement
Tout en regardant par l'unique fenêtre vers le monde de l'extérieur, elle pensait qu'il serait parfois mieux pour elle de ne pas en avoir.Au dehors c'était hostile.
Personne n'était votre ami, et vous ne connaissez rien. Pas même l'immeuble d'en face.C'était ça la ville. La ville ça se passait comme ça.On y voyait toute la pourriture humaine au dehors de cette fenêtre sale, perchée haut dans un grand bâtiment où vivent beaucoup de gens, et pourtant personne..
D'ici qu'ils soient gris ou qu'ils irradient, les jours étaient tous noirs. Les jours changent et ne se ressemblent pas; à chaque fois la teinte de noire le devenait de plus en plus.
Elle voyait de cette fenêtre cette immense ville new-yorkaise qui se décomposait comme un cadavre. Elle observait cette agonie. Elle détestait la ville. Elle y a toujours vécu de toute façon, et jamais rien ne lui est arrivé de bien. Elle était jeune, elle était belle, et elle pourrissait avec cette cité.
Se dirigeant vers la table elle ouvre un paquet de cigarettes, en tire une et fait craquer une allumette en son bout.
Elle tire une bouffée et la recrache calmement.
Ses yeux arrivent jusqu'à la bouteille de cognac, qu'elle lorgne quelques secondes avant de se servir un petit verre
Sa main arrive jusqu'à son chignon, que soudainement elle décoiffe
Ses belles boucles cendrées, un peu rousses, tombent sur ses épaules nues et dans son dos immaculé
Elle se rapproche du phonographe avec un léger sourire Son vinyle d'Ella Fitzgerald touche presque à sa fin.
Alors elle retourne à sa petite fenêtre. Elle retourne voir le monde; son monde, qui n'est pas le sien.
Ce monde où elle est si seule.

Il tourne à l'angle du Boulevard X, dans Cross Street.
Dans sa main droite il tient une grosse mallette, autour du cou son