L’effeuillage éploré des cellules
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Pour noyer le poisson ou par euphémisme, les biologistes l’ont baptisé « mort cellulaire programmée », et son étymologie grecque fait allusion à la chute des feuilles en automne. Mais lorsqu’on met de côté le tact et la poésie, autant dire que l’apoptose correspond littéralement au suicide des cellules. Cette mort est dite programmée parce que les structures cellulaires sont détruites dans un ordre précis, et parce que certaines cellules se suicident de manière stéréotypée au cours du développement. Ainsi, l’embryon humain doit éliminer les cellules qui relient ses doigts et ses orteils, sinon il se verrait doté de mains et de pieds...palmés, et nous aurions alors tous l’air de canards ! L’apoptose a été impliquée en l’espace d’une décennie dans un nombre incroyable de maladies. Les chercheurs se sont aperçus que tout excès ou, au contraire, tout défaut d’apoptose, avait des conséquences funestes pour la santé. Ainsi, au cours de la cancérisation, il existe des défauts d’apoptose qui font que les cellules ne se suicident pas lorsque surviennent des mutations dans l’ADN. Les cellules tumorales deviennent alors immortelles et se reproduisent de manière anarchique. En somme, elles se réincarnent à un rythme infernal tout en faisant fi du trépas. Elles provoquent alors un cancer terriblement difficile à traiter, justement parce qu’elles ne peuvent plus mourir. Mais cette soif d’éternité est illusoire car une cellule qui ne se suicide pas provoque au bout du compte la mort de tout l’organisme. La société des cellules doit donc veiller au grain pour éliminer les cellules nuisibles. A l’inverse du cancer où l’apoptose est déficiente, d’autres maladies sont dues à une apoptose débridée (ex : l’Alzheimer ou le SIDA). Une mort inappropriée est donc tout aussi délétère pour l’organisme qu’une prolifération excessive. Les Grecs l’avaient déjà imaginé en associant Eros, l’Amour, à Thanatos, pulsion de Mort, comme étant les deux facettes d’une même réalité. Quel comble pour la