"L'art de l'impossible" francis bacon, david sylvester
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Pourquoi le corps sans organes est-il "plein" ?
Par Raluca ARSENIE-ZAMFIR (Université de Bourgogne, Dijon)
Observé du dehors, le corps apparaît comme un dispositif biologique complexe, objet de connaissance positive, d'observation et d'expérimentation. Néanmoins, la philosophie parle du "corps vécu", du "vivre incarné" ou du "corps sans organes", faisant ainsi référence à ce qui se trouve derrière les régularités visibles du corps, que la science inventorie avec tellement d'élan. La question que nous aborderons est de savoir pourquoi le corps sans organes est conçu comme "plein" et ce que cette plénitude signifie. La réponse jaillit presque toute seule, puisque Deleuze et Guattari, tout en parlant du "corps plein sans organes", ont plusieurs fois affirmé son contenu essentiellement intensif. Dès le début il faut souligner que le corps sans organes ne conteste pas la réalité de la matérialité tangible. Pourtant, si nous y restions, cette matérialité pourrait altérer et désincarner le corps vivant, tout en le réduisant à une somme des fonctions physiologiques, alors qu'il inclut plus que le mécanisme biologique et qu'il s'en différencie précisément par sa texture intensive. En outre, Deleuze et Guattari ne veulent pas situer le corps sans organes par rapport au corps propre phénoménologique. Même s'il y a toujours un antagonisme implicite entre les deux, la spécificité du corps sans organes réside dans son caractère impersonnel issu de la rencontre fortuite des énergies. Cela ne signifie nullement que l'intensité qui subsiste dans le corps sans organes réduit celui-ci à une simple virtualité, image du corps physique. Tout au contraire, il équivaut à la matérialité fondatrice, parce qu'il est principalement intensif, permettant l'ancrage sur lui des manifestations corporelles contingentes. C'est à partir du délire