L'enfant monstrueux, montaigne
LES ESSAIS, MICHEL DE MONTAIGNE
II,30 « AU SUJET D'UN ENFANT MONSTRUEUX »
INTRODUCTION
Michel Eyquem de Montaigne, 1533-1592, incarne le mouvement humaniste qui consiste à placer l'homme au centre des préoccupations morales et philosophiques. Né dans une famille de noblesse récente, on lui apprend le latin comme langue maternelle, et il n'apprend le français qu'au collège. Après des études de droit, il devient conseiller à la cour des aides de Périgueux, puis au parlement de Bordeaux, où il rencontre Etienne de la Boétie qui le forme au stoïcisme*, et avec lequel il tisse une indéfectible amitié : la mort de La Boétie, en 1543, le laisse inconsolable.
En 1572, il commence la rédaction des Essais, trois livres dans lesquels il consigne ses réflexion personnelles, nourries de ses lectures d'auteurs grecs et latins. Persuadé que « chaque homme porte en soi la forme de l'humaine condition », il se livre à un minutieux travail d'introspection, abordant des thèmes tels que l'éducation, le voyage, la vertu, la maladie, la mort, qui est « le bout de notre carrière », d'où cette définition de la philosophie : « que philosopher c'est apprendre à mourir ».
Après avoir parlé de la vertu au chapitre XXIX au chapitre XXX, Montaigne nous présente le cas « d'un enfant monstrueux », dont la description (I) peut frapper d'étonnement (II), mais que représente véritablement ce qu'on appelle monstruosité ? (III)
I Description de l'enfant monstrueux
A. L'humanité de l'enfant
Montaigne ne révèle que progressivement la monstruosité de l'enfant. Il met d'abord en valeur son humanité, liée à une présentation « normale » de son aspect physique : l'expression « d'une forme ordinaire »(l.4), de par l'étymologie de l'adjectif ; ordo, en latin signifiant à tous les autres, dont il semblerait ne pas se distinguer, ce afin de sensibiliser le lecteur à une appartenance commune qui ne se démentira pas. D'ailleurs le rythme