L'abus du droit d'ester en justice
Le droit d'agir en justice est, pour le demandeur, le droit d'être entendu sur le fond de sa demande. Pour le défendeur, c'est le droit de discuter le bienfondé de cette prétention. Ce droit est garanti à plusieurs niveaux normatifs. En effet l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme dispose que "toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue". Cette idée est reprise à l'article 30 du Code de procédure civile.
Le droit d'action en justice est cependant un droit dont l'exercice est susceptible d'abus. La théorie de l'abus de droit a été dégagée de longue date1, mais son application au droit d'ester en justice est bien plus récente. Historiquement, la justice Romaine sous l'Antiquité a fait germé l'idée de l'abus de droit, mais elle n'a jamais été formellement reconnue notamment en raison de l'absence de la notion de droits subjectifs à l'époque2. Planiol voit dans l'abus une négation du droit et non pas une faute, affirmant par là-même que "le droit cesse où l'abus commence" 3.
En matière de droit d'ester en justice, la jurisprudence est abondante, mais l'un des arrêts qui illustre le mieux le propos a été rendu le 11 septembre 2008 par la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation, confirmant que le droit d'action peut être l'objet d'abus. Toutefois, puisque le droit à faire entendre sa cause par un juge ne peut en lui seul constituer un abus en ce qu'il cause un préjudice à l'autre partie au procès, la jurisprudence a dû établir des critères quant à l'établissement d'un abus.
La Cour de cassation retient notamment comme constitutif d'un abus du droit d'ester en justice tant la faute délictuelle que la mauvaise foi (Cass, 2e civ, 2 février 1962), de même que l'erreur grossière équipollente au dol (Cass, 2e civ, 6 décembre 1962). Toutefois, les critères de l'abus, et de la faute qui le génère restent difficiles à cerner.
Afin de mieux appréhender le régime juridique de l'abus des voies