L'acharnement thérapeutique
Pr Xavier LEVERVE
Les progrès de la science, associés à ceux de la technologie, ont permis des avancées considérables, à la fois dans les outils d'exploration des patients, dans les capacités thérapeutiques et dans la compréhension des maladies. Cependant, il n'existe pas, la plupart du temps, de synchronisme parfait entre ces différentes avancées ; il est même habituel que la mise au point d'un outil précède la pertinence dans son application. On voit bien là l'interdépendance étroite de ces deux vastes champs, connaissance et compréhension, qui restent néanmoins distincts et dont la coordination peut être délicate. La troisième dimension, celle de l'éthique, gouverne l'application que l'on peut (ou doit) en faire, par exemple dans le cadre de la médecine. Cette dimension éthique, qui doit impérativement évoluer parallèlement à l'acquisition des nouvelles connaissances et des nouveaux pouvoirs, nécessite donc d'être sans cesse réévaluée.
L'acharnement thérapeutique, lorsqu'il est ainsi dénommé, comporte indubitablement une notion négative d'opiniâtreté aveugle et inextinguible, alors qu'il s'agit d'une réalité beaucoup plus complexe et plus nuancée. Les progrès médicaux, les nouveaux pouvoirs, les impératifs dictés par les nécessités de choix, tous ces éléments participent à la genèse de conflits d'intérêt entre les individus eux-mêmes, entre les individus et la société, ou entre les sociétés. L'éthique est, en quelque sorte, l'indispensable " code civil " permettant de gérer et d'arbitrer ces successions de conflits d'intérêt alors qu'ils sont souvent situés dans des plans bien différents. L'acharnement thérapeutique se trouve ainsi être au carrefour de l'intérêt du patient lui-même, de l'intérêt des autres patients, actuels (allocations des ressources...) ou futurs (augmentation des connaissances...), mais on peut élargir le champ à d'autres pôles d'intérêt qui peuvent également être opposés : la famille du patient, la