L'amant
Duras va donc en quelque sorte désosser son premier récit autobiographique, pour en garder uniquement la vérité. Cette volonté se retrouve en effet à travers le roman, car à l'inverse d' «Un barrage contre le Pacifique», les faits sont ici humblement transposés sans connaître de
«sublimation» au travers de l'écriture. Nous pouvons par exemple constater que la narration est hachée et morcelée, ou que les phrases sont parfois disloquées. Comme pour montrer que chaque mot est issu d'un souvenir marquant et lointain.
Ces réminiscences permettent également à l'auteur de mettre en avant un objet, un lieu ou une personne, créant ainsi toute une symbolique autour de celui-ci. Toutefois, qui sont-ils, que représentent-ils et pourquoi occupent-ils une place si prédominante dans le récit?
Pour le savoir, nous allons analyser trois de ces symboles: le chapeau, la traversée du fleuve et l'eau, dans divers passages du livre, afin d'en dégager leur signification.
Le chapeau en feutre souple de la protagoniste fait partie intégrante de son accoutrement. Pourtant, à l'instar des chaussures lamées or, quelque chose le démarque du lot. Effectivement, on peut tout d'abord noter que c'est un chapeau d'homme, et «qu'aucune femme, aucune jeune fille ne porte de feutre d'homme dans cette colonie à cette époque là» (p.19). La jeune fille est donc différente des autres, elle semble étrangère à soi-même, dans la mesure où son identité se construit à partir de vêtements qui ne lui sont pas appropriés (ceinture du frère, robe de la mère...). Cependant, cette étrange alchimie parait résulter de sa propre initiative, car comme on peut le voir, elle chérit sa nouvelle image: «C'est ma volonté...toile