"L'art du roman est de savoir mentir" affirme louis aragon en 1959
L'histoire du genre romanesque atteste à la fois de l'engouement qu'il provoqua toujours chez les lecteurs et du mépris dans lequel il fut longtemps tenu par les auteurs et les académies. Le XIXe siècle vit son triomphe, alors même que certains romanciers tentaient de théoriser le genre, la plupart du temps pour répondre aux attaques des critiques et de justifier ce genre constamment attaqué. On lui reprochait ainsi fréquemment de conduire le lecteur à croire en l'existence d'un monde inventé, bien different du monde réel. C'est à ce problème du mensonge romanesque que Louis Aragon, poète et romancier du XXe siecle, s'interresse lorsqu'il affirme dans j'abats mon jeu en 1959: "l'art du roman est de savoir mentir", semblant ainsi défendre de façon résolue le caractère fictionnel du genre romanesque.
Non seulement le romancier n'aurait pas à rougir du fait qu'il soit un créateur de fictions, mais là résiderait sa grandeur. "L'art" du roman serait de faire croire à l'existance d'un monde relevant de l'imagination de son auteur. Le roman engage en effet avec son lecteur un pacte de lecture complexe qui relève de l'adhésion et de la distanciation. Aussi relève-t-il du domaine du mensonge, c'est-à-dire du faux, de l'artificiel – au sens de "créé par l'art" –, alors que le lecteur choisit d'entrer dans son univers comme s'il était vrai. Mais s'agit-il seulement pour le romancier de construire une illusion qui entraîne l'adhésion du lecteur? La fiction romanesque n'est-elle pas avant tout un moyen d'exploration de la réalité, un retour au vrai? N'y a-t-il donc pas nécessité du mensonge? Quelles liens complexes entretiennent réalité et roman ?
Nous montrerons donc que le mensonge, ainsi que le déclare Aragon, fonde l'univers romanesque, même si la finalité du roman peut être autre que la vraissemblance ou la création d'une illusion de réalité. Mais n'est-ce pas alors le mensonge de la fiction qui permet au roman de devenir le moyen de