L'art est-il un moyen d'accéder a la vérité
Pour nous une œuvre d'art exprime un point de vue singulier sur le monde, à savoir celui de l'artiste : le propre d'une œuvre justement, c'est de ne pas être un constat de choses « objectif », mais de manifester une subjectivité… c'est toute la différence qu'il y a entre la cathédrale de Rouen en elle-même, et la série de tableaux qu'en a fait Monet. Sans doute même faut-il aller plus loin : quand on oppose les œuvres d'art, libres productions de l'imagination de l'artiste, aux choses concrètes, aux objets qui sont « vrais » parce qu'ils existent réellement, ou quand on affirme que l'art nous permet de nous « évader du réel », on refuse d'emblée à ce dernier tout rapport à la vérité : les œuvres sont peut-être belles, mais enfin elles ne servent à rien, elles ne décrivent pas le monde tel qu'il est, elles ne nous sont d'aucune utilité pour nos préoccupations quotidiennes. Et effectivement : on ne peut rien faire d'une œuvre, sinon la contempler ; seuls sont « vrais » les objets qui ont une fonction concrète, qui accomplissent un service. Le marteau est « vrai », le tableau qui représente un marteau est une illusion, parce qu'on ne peut enfoncer un clou avec un marteau peint.
Cependant, si une œuvre d'art nous invite effectivement à nous défaire de notre rapport usuel aux objets, ne peut-on pas penser qu'elle permet alors d'accéder à ce que, sans elle, nous n'aurions peut-être jamais contemplé, et qui pourtant ne laisse pas d'être essentiel ? Car après tout, la vérité est-elle réductible à ce que nous en montre l'affairement quotidien, soucieux d'abord d'utilité ? Ce qu'un arbre est en vérité, par exemple, se résume-t-il à la possibilité d'être débité en planches pour permettre la fabrication d'un lit où nous pourrons nous étendre ? On y revient : autant le « vrai » arbre, l'arbre réel et sensible, m'intéresse parce qu'il peut m'abriter de la pluie, me fournir du combustible ou offrir une matière première au menuisier, autant je n'ai que faire de la