L'art modifie-t-il notre rapport à la réalité ?
Parce que l'art a la réputation d'être «inutile», on admet volontiers qu'il n'a pas grand rapport avec la réalité et propose plutôt un univers en marge du réel. On peut également juger que les œuvres, en nous éloignant précisément de la réalité telle que nous la vivons quotidiennement, nous permettent d'en oublier les difficultés — même si ensuite le retour vers le réel peut être pénible ou douloureux. C'est-à-dire que l'art, par les sentiments qu'il éveille en nous, semble modifier notre rapport à la réalité, puisqu'il nous la fait oublier. Pourtant, l'émotion esthétique ne relève pas de la pure distraction ou du simple amusement : l'œuvre d'art fait aussi appel à notre esorit, à notre réflexion. L'expérience esthétique nous modifie, nous enrichit, en nous dévoilant une certaine vérité jusque-là masquée par notre rapport à la réalité quotidienne. L'art modifie-t-il réellement la qualité de notre rapport à la réalité concrète, ou bien est-ce le jugement, l'état d'âme suscités en nous par l'œuvre d'art qui modifient notre manière d'appréhender et de comprendre le monde ? L'art permet-il qu'on porte à l'avenir un regard différent, enrichi, sur la réalité ?
I. L'ART TRANSFORME NOTRE RAPPORT À LA RÉALITÉ
I1. L'art transforme le rapport d'immédiateté à la réalité quotidienne : L'œuvre d'art parvient à suspendre l'attention que nous portons habituellement au monde qui nous entoure, pour nous faire entrer dans une réalité fictive cohérente. Mais une fois la lecture, l'écoute ou la contemplation terminée, nous sommes «libérés de force» et rendus à notre quotidienneté. En visant la sensibilité, l'art semble avoir sur tout discours l'avantage de l'immédiateté.
I2. L'art comme illusion : Platon ne trouve dans l'art qu'une collection de techniques visant à nous tromper. Les poètes nous ravissent par leurs belles formules, mais inspirés par les Dieux, sont incapables de justifier leurs propos, et il leur arrive (NDLR, comme aux professeurs