L'enfance du bibendum michelin
Pierre perdait son regard au delà des grilles du collège, vers cette foret de pins qui résistaient au froid. Les arbres de la cour de récréation la rendait triste à ce dénuder ainsi. Ceux de la montagne le rassuraient, ils étaient aussi forts et résistants que ceux qu'il avait perdu au printemps. Les troncs maigres et immenses lui manquaient souvent, surtout le soir, après la classe, sur le chemin de la maison de son grand-père. Les bruits aussi lui manquaient. Les petits coups répétitifs pour entailler les troncs, les appels des ouvriers, les pas et les hennissements des mules, les allées et venues des camions...
Pendant la récréation, Pierre restait souvent seul. Son frère, parfois, cherchait sa compagnie, mais, au collège depuis trois ans, il avait su se faire des amis. Pierre avait été l'attraction, à la rentrée, l'exotisme, le voyage, la victime facile aussi. Il avait dut se battre. Maintenant, il n'était que le jaune, dans ce collège, comme il n'avait été que le blanc à l'école, dans sa foret. Pour les professeurs il était le petit-fils du bûcheron. Etrangement, cela paraissait être moins prestigieux que le fils du contremaître là bas. Son grand-père était pourtant son propre patron !
Pour rentrer à la scierie, il fallait prendre deux tramways, puis traverser les faubourgs. Pierre faisait le trajet seul pour la première fois, Antoine était resté chez un camarade pour travailler le latin. Chez son grand-père aussi, il était le petit jaune. Inévitablement, il se perdit dans les rues mal dessinées. Ses pas l'emmenaient inexorablement vers la foret. Le jour commençait à baisser lorsqu'il s'enfonça entre les arbres. Il repris le chemin qu'il connaissait, celui que prenait son grand-père le samedi pour regarder ses arbres.
En bas, Clermond-Ferrand allumait déjà quelques lumières. L'odeur, ce soir, était différente. Forte, persistante, immonde et attirante. Pierre cherchait la source dans la pénombre. Sous un taillis, il la