L'enfant
Victor Hugo
« L’Enfant »
O horror ! horror ! horror !
SHAKESPEARE, Macbeth.
Les Turcs ont passé là : tout est ruine et deuil.
Chio, l’île des vins, n’est plus qu’un sombre écueil,
Chio, qu’ombrageaient les charmilles,
Chio, qui dans les flots reflétaient ses grands bois,
Ses coteaux, ses palais, et le soir quelquefois
Un chœur dansant de jeunes filles.
Tout est désert : mais non, seul près des murs noircis,
Un enfant aux yeux bleus, un enfant grec, assis
Courbait sa tête humiliée.
Il avait pour asile, il avait pur appui
Une blanche aubépine, une fleur comme lui
Dans le grand ravage oubliée.
-Ah ! pauvre enfant, pieds nus sur les rocs anguleux !
Hélas ! pour essuyer les pleurs de tes yeux bleus
Comme le ciel et comme l’onde,
Pour que dans leur azur, de larmes orageux,
Passe le vif éclair de la joie et des jeux,
Pour relever ta tête blonde,
Que veux-tu ? bel enfant, que te faut-il donner
Pour rattacher gaîment et gaîment ramener
En boucles sur ta blanche épaule
Ces cheveux qui du fer n’ont pas subi l’affront,
Et qui pleurent épars autour de ton beau front,
Comme les feuilles sur le saule ?
Qui pourrait dissiper tes chagrins nébuleux ?
Et-ce d’avoir ce lis bleu comme tes yeux bleu,
Qui d’Iran borde le puits sombre ?
Ou le fruit du tuba, de cet arbre si grand
Qu’un cheval au galop met toujours en courant
Cent ans à sortir de son ombre ?
Veux-tu pour me sourire, un bel oiseau des ois,
Qui chante avec un chant plus doux que le hautbois,
Plus éclatant que les cymbales ?
Que veux-tu ? fleur, beau fruit ou l’oiseau merveilleux ?
-Ami, dit l’enfant grec, dit l’enfant aux yeux bleus,
Je veux de la poudre et des balles.
Juin 1828 Les Orientales (XVIII)
Exemple de commentaire :
Le poème « L’Enfant » fait partie du recueil Les Orientales écrit par Victor Hugo dans sa jeunesse. Il dénonce en prenant pour