L'enfantement
Tout être porte en lui l’histoire de l’humanité. Partant de ce constat, Christiane Singer, romancière, psychothérapeute, essayiste et surtout témoin lucide et passionné de nos errances existentielles, interpelle nos consciences sur ce que nous faisons de nos vies et de nos amours.
Son dernier livre, N’oublie pas les chevaux écumants du passé (éd. Albin Michel), ramasse avec une force peu commune les grandes questions que chacun peut se poser aujourd’hui, face à la terrible tiédeur des engagements et des vies quotidiennes. Nous avons eu envie d’en parler directement avec elle.
Nouvelles Clés : Un thème traverse votre œuvre, vous interpellez le lecteur : « Il y a un trésor en toi, qu’en fais-tu ? »
Christiane Singer : C’est curieusement quelque chose dont j’ai reçu, enfant, le don. Souvent, c’est moi qu’on interpellait : « Mais comment peux-tu apprécier cette fille insupportable, à l’école ? » J’étais sidérée. Quand je suis en face de quelqu’un, je tombe dans son regard. Pour moi, les yeux sont vertigineux. Au fond de la pupille, comme au fond d’un tunnel, je vois approcher quelqu’un qui porte un flambeau. C’est une image que j’ai eue très tôt. Je n’ai pas l’ombre d’un effort à faire, je traverse l’apparence et je sens la personne. Récemment, j’étais à table, dans un festin, à côté d’un prêtre qui avait fait scandale et mis toute la société contre lui, et que je trouvais a priori très antipathique. Mais à l’instant où j’ai plongé dans son regard d’enfant apeuré, je me suis dit : « Mon Dieu, c’était donc ça ! »
N. C. : Tout homme, même Hitler, peut avoir en lui un enfant apeuré.
C. S. : Non : tout homme a en lui l’histoire entière de l’humanité. Je retrouve ça dans le Talmud, où il est dit que chaque être humain est le héros d’un drame cosmique, qu’il le sache ou non. Il y a une dimension d’immensité dans chaque être humain. Minable et humain ne vont pas ensemble, insignifiant et humain, ça n’existe pas. C’est sûr, on