L'espace de la représentation théâtrale est-il un espace réel ou un espace d'illusion?
Ceci n'est pas une pipe. L'observateur pense pourtant que si. Magritte soulève alors avec son tableau surréaliste une réflexion sur la faculté qu'a l'art de tromper son public.
Qu'en est-il du théâtre? La représentation théâtrale a ce même objectif, donner l'illusion aux spectateurs que les événements présentés sont réels et non la reproduction de la réalité. Une pièce est constituée d'événements fictifs agencés de manière à faire croire aux spectateurs qu'ils sont vrais. Dans l'espace, l’illusion théâtrale se traduit par le fait que le spectateur oublie qu'il est assis dans une salle de spectacle et que le décor qu'il observe est faux. Pour cela, l'espace de la représentation doit être fidèle au lieu de l'action. C'est la pensée qu'a théorisé pour la première fois Platon et qui a été reprise par la suite avec Diderot et son quatrième mur (Mur imaginaire séparant la salle de la scène dans le théâtre qui suppose une illusion théâtrale : le spectateur assiste à une action qui est censée se dérouler indépendamment de lui, il est le voyeur auquel rien n’échappe mais qui ne peut rien faire), et avec les naturalistes et leur reproduction minutieuse de la réalité de leur époque. Mais cette pensée n'est pas partagée par tous les théoriciens du théâtre qui refusent de mentir à leurs spectateurs en leur présentant une fausse réalité. Au début du siècle, Edward Gordon Craig et Adolphe Appia remplacent les décors en toile peinte par des volumes. Le style de mise en scène de Bertolt Brecht est aussi très différent de la mise en scène classique puisqu'il vise à "briser l'illusion théâtrale". L'espace a donc autant d'importance que le texte théâtral qui va être conditionné par cet espace. C'est-à-dire, le fil du discours, l'action, les personnages et le temps dépendent de l'espace. Ainsi, le décor, élément fondamental de la scénographie, définit un espace, soit en limitant l'action, soit en s'intégrant à elle.