L'homme injuste
"Tu ne vois donc pas qu'il est malheureux ?" . Cette phrase souvent entendue appelle à la clémence celui qui, par exemple, jugerait sévèrement l'injustice du malade ingrat envers ceux qui se dévouent jusqu'au sacrifice à son chevet.Doit-on aller jusqu'à affirmer que le malheur donne le droit d'être injuste, qu'il constitue une raison valable de renoncer à condamner l'injustice ? Nous nous demanderons dans un premier temps ce qui, dans le malheur, est à la source de l'injustice; nous envisagerons alors les aspects moraux et juridiques d'une revendication du droit à l'injustice, avant de nous interroger sur l'exigence qui s'adresse en retour à toute société: le malheur n'est-il pas avant tout ce qui rend difficile le maintien de la justice ?
Première partie: le malheur est source d'injustice.
Le malheur, matériel ou moral, isole . Dans la Bible, le livre de Job montre comment le juste frappé par le malheur s'écrie: "pourquoi moi ?". Alors que la justice se définit en partie par l'égalité de tous, le malheureux se sent coupé des autres, isolé dans un statut à part. La souffrance le rend aveugle à la réalité des autres.
Le malheur débouche alors sur la recherche d'un responsable. Alors que la justice recherche la justification des décisions et les proportions légitimes, celui qui souffre désigne le bouc émissaire de façon arbitraire et cherche à infliger un malheur sans proportion avec celui dont il souffre. Le bouc émissaire sera le Juif, l'homosexuel, l'Arabe, etc...
Si le malheur est causé par une injustice, n'est-il pas naturel de répondre à cette injustice par une autre ? Ne puis-je pas alors rejeter la responsabilité de l'injustice que je commets sur celui qui est à l'origine de celle que je subis ?
Deuxième partie: Peut-on soutenir que le malheur donne le droit d'être injuste ?Transition: Nous voyons donc que le malheur peut effectivement être source d'injustice. Mais peut-on aller jusqu'à dire qu'il donne le DROIT d'être