L'information
L'information est une maladie moderne, qui provient évidemment de la rapidité des moyens de transmission. On sait que les agences de presse du monde se battent pour transmettre une nouvelle trente ou quarante secondes avant leurs concurrentes. On juge d'un bon ou d'un mauvais correspondant sur des différences d'une minute. Dans le fait (c'est-à-dire si l'on considère l'organisation du monde actuel, sa presse, les prétendus besoins d'information du public), un tel esprit de compétition se conçoit. En valeur absolue, cela paraît d'une absurdité complète : c'est le jeu de cache-tampon, il faut trouver le premier. Rien de moins naturel que la curiosité, que l'on a inoculée aux hommes, de savoir le plus vite possible ce qu'il advient sur les divers points du globe; les informations, si détaillées qu'elles soient, et si honnêtes, deviennent abstraites dès qu'elles regardent un pays quelque peu éloigné. Une révolution au Paraguay, pour le lecteur de Paris ou de Toulouse, n'a pas plus de réalité que l'intrigue de Bajazet. Racine prétend à juste titre que « l'éloignement des pays répare la trop grande proximité des temps », et que « le peuple ne met guère de différence entre ce qui est à mille ans de lui et ce qui en est à mille lieues ». L'information, telle qu'elle se pratique aujourd'hui, comporte quelque chose d'abstrait et d'inactuel qui est exactement le contraire de ce qu'elle veut signifier. Les événements tragiques ou heureux du monde, les crimes, les larmes, les massacres, les sauvetages, les mariages princiers, les pêches miraculeuses, les prouesses de la médecine, les dévouements surhumains, les héroïsmes désespérés, les cris ou les sourires des peuples, en passant par les télétypes des agences, semblent se vider de leur substance. De ces bonheurs, de ces souffrances, de ces vacarmes, de cette chair, il ne parvient qu'un récit sec et sans couleur, qui ne parle à aucune imagination, et apprend