L'odyssée, les sirènes
Circé ne s’étend pas longuement sur ces monstres comme elle le fait pour Charybde et Scylla (lire les pages 88 à 90). Elle raconte simplement qu’elles guettent les voyageurs et « envoûtent tous les hommes qui les approchent » (page 88). Il ne faut donc surtout pas écouter « leur chant clair » (page 88). Si Ulysse le désire, il devra demander à ses compagnons de l’attacher au mât de son navire, tandis qu’eux rameront, les oreilles bouchées par de la cire amollie au soleil.
Pour comprendre ce passage de L’Odyssée, il faut se débarrasser de l’image de la sirène qui s’est imposée depuis Andersen (lire « La petite sirène »). Il ne s’agit pas ici de créatures aquatiques à queue de poisson, mais de véritables monstres ailés, tenant à la fois de la femme et et de l’oiseau. Elles vivent sur une île « assises dans un pré près d’un grand tas d’os et de chairs en putréfaction » (page 88). Ce pré, comme la prairie d’asphodèles du royaume d’Hadès (voir la page 84), est un signe de mort, comme l’est « le calme plat » (page 92) dont un dieu, peut-être les Sirènes, sont responsables. Le soleil, lui-même, participe à cette pesanteur de mort, à ce silence dans lequel les Sirènes entonnent leur chant. Elles seules, dans L’Odyssée, reconnaissent Ulysse : « Viens, illustre Ulysse, gloire des Achéens ! » (page 92) Leur chant clair et envoûtant promet la connaissance et la joie (voir page 92). Elles savent tout (« nous savons tout ce qui arrive sur la terre nourricière », page 92). Elles sont donc omniscientes. Le plaisir qu’elles procurent à celui qui les écoute fait tout oublier (« Sa femme et ses enfants ne le reverront jamais », page 88). En cela, elles sont encore plus dangereuses que le Lotos ou Circé chez qui Ulysse passe un an. Probablement, celui qui écoute les Sirènes ne meure pas d’une mort violente, mais dépérit lentement dans l’extase de leur chant, ne mangeant plus, ne dormant plus, les écoutant sans cesse.
Homère ne nous dit pas ce qu’Ulysse a