L'oeil
|" Enfin, il n'y a aucune de nos actions extérieures, qui puissent assurer ceux qui les examinent, que |
|notre corps n'est pas seulement une machine qui se remue de soi-même, mais qu'il y a aussi en lui une |
|âme qui a des pensées, exceptées les paroles, ou autres signes, faits à propos de ce qui se présente, |
|sans se rapporter à aucune passion. Je dis les paroles ou autres signes, parce que les muets se |
|servent de signes en même façon que nous de la voix ; et que ces signes soient à propos, pour exclure |
|le parler des perroquets sans exclure celui des fous, qui ne laisse pas d'être à propos des sujets qui|
|se présentent, bien qu'il ne suive pas la raison ; et j'ajoute que ces paroles ou signes ne se doivent|
|rapporter à aucune passion, pour exclure non seulement les cris de joie ou de tristesse, et |
|semblables, mais aussi tout ce qui peut être enseigné par artifice aux animaux ; car si on apprend à |
|une pie à dire bonjour à sa maîtresse, lorsqu'elle la voit arriver, ce ne peut être qu'en faisant que |
|la prolation de cette parole devienne le mouvement de quelqu'une de ses passions ; à savoir, ce sera |
|un mouvement de l'espérance qu'elle a de manger, si l'on a toujours accoutumé de lui donner quelque |
|friandise, lorsqu'elle l'a dit ; et ainsi toutes les choses qu'on fait faire aux chiens, chevaux et |
|aux singes ne sont que des mouvements de leur crainte, de leur espérance, ou de leur joie, en sorte |
|qu'ils les peuvent faire sans pensée. Or, il est, ce me semble, fort remarquable que la parole étant |
|ainsi définie, ne convient qu'à l'homme seul. Car bien que Montaigne et Charron aient dit qu'il y a |
|plus de différence d'homme à homme, que d'homme à bête, il ne s'est toutefois jamais trouvé aucune |
|bête si parfaite qu'elle ait usé de quelque signe, pour faire entendre à d'autres animaux quelque |
|chose qui n'eût point