Jean Cocteau dans son Rappel à l'Ordre (1926) affirme que pour lui le poète se doit de peindre les objets sur lesquels "son coeur, son oeil glissent chaque jour" afin de montrer "nues, sous une lumière qui secoue la torpeur" les choses "surprenantes qui nous environnent". Ainsi il s'agit pour lui de rendre compte des objets du quotidien de la manière la plus précise possible, en insistant sur les caractères spécifiques de chaque objet, en tentant de le montrer non pas dans la fonction que l'homme lui attribue mais pour lui-même. La description d'objets en apparence simples, permet de retrouver la matérialité des mots, palpables, savoureux et sonores. C'est ce à quoi s'applique Francis Ponge dans son oeuvre la plus connue:Le Parti pris de Choses (1942). Il s'agit d'un recueil de courts poèmes en prose qui décrivent, d'une façon très originale et inattendue, des "choses" qui nous semblent banales et insignifiantes, ne pouvant représenter le thème d'un poème. "L'Orange" est un poème qui illustre parfaitement la démarche du poète. Il s'évertue à démontrer l'originalité et l'importance de ce fruit à travers cinq paragraphes. La tonalité est nettement lyrique et élogieuse à la fois. Comment Ponge transmet-il une nouvelle image de l'orange et surtout quelle est-elle? Ce poème en prose peut en premier lieu se lire comme une définition scientifique et métaphorique qui pourrait être établie de cet agrume. Par la suite, le lecteur perçoit la synesthésie dans laquelle l'auteur est plongé lors de sa description. Enfin, il s'avère que ce poème relève d'un éloge de ce fruit.
Le poète débute par une analogie filée entre l'éponge et l'orange et plus particulièrement dans leur réaction face à "l'expression". nous notons que le premier mot est le mot de comparaison "comme" qui tisse d'emblée un lien entre l'ustensile de cuisine et l'aliment. Des termes techniques et non poétiques sont employés pour décrire ce qui se produit à l'intérieur d'une orange lorsque celle-ci est pressée:les