L'unité sémantique des termes
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Comment est-il possible qu’un même terme, un nom commun, puisse désigner une diversité d’étants, ou certains de leurs aspects, tous différents les uns des autres ? Sans doute parce que, bien que divers par leurs propriétés, ces étants ou leurs états se ressemblent, partagent une identité qu’envisage précisément leur dénomination commune. Ainsi, si nous nommons jeux, les échecs, la belote, la marelle ou le football, ce serait parce que, en dépit de leurs différences, ces activités se ressemblent, et ce de façon essentielle puisque, ainsi nommées, elles répondent à la même définition. Telle est la thèse des tenants de l’unité sémantique des termes. – Cependant une telle thèse a-t-elle jamais été pensée dans toute sa rigueur ?
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Tout d’abord, comment comprendre cette identité partagée par les référents d’un même terme ? Soit le substantif : bâtiment. Considéré en lui-même, il est un complexe de sons qui porte la pensée à la considération de tels ou tels types d’étants, comme les immeubles ou les bateaux d’une certaine importance. Telle est la définition du signe : il est un élément sensible qui renvoie la pensée à autre chose que lui-même, qu'il évoque précisément[1]. Si un même terme peut ainsi désigner des étants aussi différents, c’est soit parce qu’il néglige ce qui les différencie, ne les considérant que par leurs traits communs, soit parce qu’il les comprend selon une perspective qui ramène leurs différences à une identité essentielle. – La première hypothèse a été soutenue par Locke dans son Essai philosophique concernant l’entendement humain, d’un point de vue empiriste, avec sa théorie de l’abstraction[2] : d’une manière ou d’une autre, les étants ne peuvent recevoir le même nom que parce qu’on néglige (on fait abstraction de) leurs différences, qu’on les considère seulement par les traits qui les unissent. – L’autre hypothèse consiste