L'écume des jours
Il n’est pas étonnant finalement que l’Ecume des jours n’ait pas immédiatement rencontré son public car la fantaisie de Boris Vian peut dérouter le lecteur qui n’accepte pas de se laisser entraîner dans son monde étrange et merveilleux…
Et parfois c’est seulement à la deuxième ou troisième lecture qu’on se laisse happer.
Dés la première page, il nous met dans l’ambiance avec un coupe-ongle destiné « à tailler en biseau les paupières »… Une ambiance qui oscille entre réalité et invention burlesque voire science-fiction (certains critiques considèrent d’ailleurs Vian comme l’introducteur de la SF en France).
L’histoire en apparence simple, celle éternelle de la rencontre, de l’amour et du mariage - voué au drame- d’un jeune-homme, Colin, et d’une jeune-fille, Chloé, est en effet jalonnée de trouvailles futuristes ou surréalistes mais aussi de clins d’œil à l’époque. Une fantaisie ludique habite paradoxalement cette tragédie, ce qui lui donne toute son originalité et intérêt.
Qui ne s’est pas enthousiasmé pour le pianocktail de Colin, ce piano magique qui compose des cocktails en fonction des mélodies jouées selon un étonnant principe musico-alcoolique, qui n’a pas souri au récit des anguilles pêchées dans les tuyaux des lavabos, aux souris parlantes qui résident dans les verres à dent ou siègent sur les rebords de baignoire, ou même frémi devant les "arrache-cœurs", ces armes d'un autre genre ?! Ce disciple de la pataphysique (Jarry) fait fuser les néologismes, jeux de mots, mots-valises et autres métonymies… A tel point qu'on pourrait parfois craindre la surcharge mais l’alchimie fonctionne malgré tout.
Au détour des phrases et dialogues, Vian distille son humour