1 L’ÉGLISE ET LA FOI DE LA RÉFORME MONASTIQUE À BONIFACE VIII Introduction La période étudiée ici est centrée sur ce que l'on a coutume d'appeler la "réforme grégorienne", du nom d'un de ses principaux acteurs, le pape Grégoire VII (1073-1085), et qui prit forme de 1049, avec l'élection du pape Léon IX, pour se parachever avec le premier concile de Latran en 1123. Ce moment grégorien est central mais en lui ne se résume pas toute l'histoire de l'Église de ces années là, contrairement à ce qu'affirmaient les historiens jusque dans les années 1960. Pour eux, l'affaire était entendue : avant Léon IX, l'Église se débattait dans des turpitudes à peine descriptibles de clercs concubinaires, de papes dépravés et de laïcs laissés à leur paganisme ancestral. Puis d'un seul coup tout aurait changé avec la réforme romaine, dont l'efficacité aurait été immédiate. Depuis les années 1970, on insiste beaucoup plus sur la continuité avec les temps carolingiens, ce qui amène à ne pas voir l'Église du Xème et de la première moitié du XIème siècle comme un âge noir et à considérer la réforme grégorienne comme la fille de la réforme carolingienne, comme un moment où ce qui s'était préparé auparavant a été cristallisé relativement rapidement : il n'y a rien de radicalement neuf avec la réforme. Tout ne s'arrête pas non plus en 1123, on s'en doute, car d'une part lorsque l'on parle de foi, de mentalités, il faut du temps, et d'autre part parce que la mise en œuvre même des décisions grégoriennes reste le problème de tout le XIIème siècle, au moins jusqu'à l'époque du pape Innocent III et du grand concile réuni sous son pontificat : Latran IV en 1215. Ensuite, au XIIIème siècle, on peut dire que tout est en place et que l'Église récolta les fruits d'un siècle et demi de transformations. Pour résumer, on peut dire que la réforme traverse toute la période, depuis les temps carolingiens jusqu'à Innocent III au moins. De façon plus générale, il faudrait dire qu'il s'agit là d'une des phases