L'amour c'est beau!
DES ROMANS D’AMOUR
«Ce que la physique nous apprend de la propriété des corps et de la lumière ne rend pas l’herbe moins verte.» 1.
Introduction
D’amour ou de guerre, sentimental ou policier, populaire ou expérimental, le roman fuit les définitions. Il invente ses règles. Il coule entre les doigts des législateurs du beau et déroute les gardes-frontières.
À tel point que ces derniers ont refusé pendant longtemps d’accepter les romans dans le cortège sacré des belles-lettres, dans le cercle enchanté de la littérature.
Prenez Antoine Furetière, à la fin du XVIIeÞsiècle. Il peut se targuer de deux titres de gloire. Le premier est d’avoir écrit l’un des meilleurs romans de son époque, clairement revendiqué comme tel, dès son titreÞ: Le Roman bourgeois. Le second est d’avoir rédigé, damant le pion à ses confrères de l’Académie, le premier grand dictionnaire de la langue française. Or, voici ce qu’écrit le romancier Furetière à l’article «ÞRomanÞ» de son dictionnaireÞ: «ÞMaintenant il ne signifie que les livres fabuleux qui contiennent des Histoires d’amour et de Chevaleries, inventées pour divertir & occuper des fainéants.Þ»
Il y a eu, explique Furetière, une époque où «Þles histoires les plus sérieuses étaient appelées romansÞ», mais c’est parce qu’elles étaient écrites en Roman, en langue romane, ce langage composé, écrit-il, pour moitié de romain et de gaulois, et qui était «Þle langage le plus poli qu’on parloit à la Cour des PrincesÞ».
La langue romane disparaît, remplacée par le français, mais son fantôme subsiste sous la forme d’une trace étymologique qui ne désigne plus rien, pas même le souvenir d’une origineÞ: il a existé des romans avant qu’on ne parle et qu’on n’écrive en roman, des romans qui n’avaient pas de nom et pas même de contours définis, certains
UNE HISTOIRE DES ROMANS D’AMOUR
gardés dans la mémoire sous la forme de vers quand d’autres préféraient la feinte simplicité de la prose.
Les