l'argent
Université de Nantes
Centre Nantais de Sociologie
Gilles.lazuech@univ-nantes.fr
Comment penser l’argent ?
Programme pour une sociologie des représentations et des usages de l’argent
Faire de l’argent un objet de recherche sociologique
Parler de l’argent, c’est parler d’un « objet » qui est quotidien, familier, presque banal. Dans les sociétés modernes toute chose, ou presque, s’acquiert avec de l’argent, tout ou presque également se mesure en argent. Mais l’omniprésence de l’argent n’indique en rien que l’ « objet » argent soit facile à penser, même pour ceux qui se placent du côté de la science. À titre d’exemple, la plus importante construction scientifique réalisée par les économistes à la fin du XIXème siècle, la Théorie de l’Equilibre Général de Léon Walras, ignore totalement l’argent ou, du moins, en fait un objet passif dans l’économie. Pour les marginalistes, les néoclassiques, l’ensemble des libéraux et des néo-libéraux, la monnaie est neutre, c’est un voile qui facilite les échanges mais qui n’intervient pas dans les variations du niveau réel de la production. En sociologie, les contributions les plus significatives sont maintenant anciennes.
Depuis Georg Simmel et Max Weber, les recherches sur l’argent semblent avoir disparu de la préoccupation des sociologues du moins en France. Seuls les anthropologues, avec Marcel
Mauss, Margaret Mead, Marshall Sahlins, Claude Meillassoux, et bien d’autres, ont continué à penser l’argent, ou, plus exactement, à penser la place de la monnaie (des monnaies) dans le fonctionnement des sociétés primitives.
Il y aurait, bien entendu, à réfléchir sur la quasi-absence de travaux sur l’argent en sociologie alors qu’il intervient presque à tout moment dans le monde social. Une des hypothèses possible pour expliquer le manque d’intérêt pour l’argent comme objet sociologique est qu’il apparaît davantage comme un thème générique de recherche (au même titre, par exemple, que le pouvoir,