L'art doit-il imiter la nature ?
Intro : La fréquentation hâtive et superficielle de quelques sculptures ou peintures figuratives pourrait aisément nous laisser l’impression qu’une des tâches essentielle de l’art consiste à imiter la nature. On mesurerait ainsi la valeur esthétique d’une œuvre à son aptitude à reproduire le plus exactement possible une production de la nature. Ainsi par exemple, on admirait paraît-il le peintre Zeuxis parce que les oiseaux essayaient de picorer les raisons qu’il peignait sur ses fresques. Il semblerait donc que pour accomplir pleinement la mission qui lui revient, l’artiste doive imiter la nature. Et pourtant, aussi satisfaisante soit cette conclusion en apparence, elle ne va pas sans poser de redoutables difficultés. En effet, tous les peintres et tous les sculpteurs figuratifs ne sont pas nécessairement néo-réalistes, il ne se donne pas tous pour mission de reproduire en trompe-l’œil, le plus fidèlement possible, leur modèle. Quand Cézanne par exemple peint des fruits, il n’a pas pour ambition que les oiseaux viennent picorer sa toile ; et paradoxalement, quand Magritte peint une pipe de façon très réaliste, il s’empresse de préciser que « ceci n’est pas une pipe » en l’inscrivant dans l’espace même de la toile ! Faut-il en conclure que ces peintres n’ont pas fait ou mal fait leur devoir ? Par ailleurs, il faut bien constater que tous les genres artistiques ne peuvent pas adopter une expression figurative. L’art musical ne consiste pas à se contenter d’enregistrer et de reproduire fidèlement les productions sonores de la nature. Il s’agit plus d’une prouesse technique que d’une œuvre d’art. Quand Clément Janequin a composé sous la Renaissance le chant des oiseaux, il n’a pas cherché à produire un documentaire sur la manière dont les oiseaux chantent dans les forêts. De même pour les architectes ; quand ils créent une œuvre, ils ne cherchent pas à reproduire un nid ou une ruche ou une taupinière. La maison de Franck Lloyd