L'aventure Ambiguë
L’AVENTURE
AMBIGUË
RÉCIT
Préface de Vincent Monteil
« Domaine étranger » dirigé par Jean-Claude Zylberstein
© Julliard, 1961 ISBN 978-2-264-3693-3
PRÉFACE
Qu’il y ait, dans le récit de Cheikh Hamidou Kane, une saveur autobiographique, il le reconnaît volontiers, en ajoutant qu’il s’est aussi inspiré d’expériences différentes.
Si l’homme est conditionné par son milieu, Cheikh
Kane est bien l’enfant du Foûta, de ce « Fleuve », qui, au
Sénégal, est l’Old Man River des Toucouleurs. Sa culture maternelle, il la doit à la langue peule, au pulâr, instrument riche et souple pour huit cent mille Sénégalais et, de l’Atlantique au Tchad, moyen d’expression pour ou moins cinq millions de Peuls.
Car l’Homo Fullanus, l’Homme Peul, s’exprime. Il transmet sa pensée par tradition orale, bien sûr, mais il se sert aussi, plus souvent qu’on ne pourrait le croire, de l’écriture arabe. Comme, d’autre part, des linguistes européens ont recueilli (et, souvent, publié) beaucoup de choses (par exemple, Henri Gaden, en 1931, avec 1282
« proverbes et maximes peuls et toucouleurs »), on peut
se faire une idée du fonds considérable de concepts, de techniques et d’institutions qui constitue la culture peule.
Naturellement, le genre conte ou « fabliau » attire l’attention, par sa fréquence, la malice de ses traits, parfois la crudité du détail. D’autres textes sont d’allure historique : les traditions, même légendaires, révèlent des archétypes et la conception populaire du hérosmagicien. Ailleurs, au Niger, par exemple, Gilbert
Vieillard a noté, avec de jeunes bergers, le récit vivant et fouillé des épreuves d’initiation virile (soro). Partout affleurent les grands thèmes de la condition humaine : l’amitié et l’amour, le sommeil et la mort, dans le cours de la Pulâgu – c’est-à-dire de « la manière de se comporter comme un Peul ». Ethique « behavioriste », si l’on veut, fondée sur la « réserve », la « retenue » – la « honte