L'ILLUSION COMIQUE
L'ILLUSION COMIQUE, 1635-1636
Acte I, scène 2 ALCANDRE, PRIDAMANT, DORANTE.
DORANTE
Grand démon du savoir, de qui les doctes veilles
Produisent chaque jour de nouvelles merveilles,
A qui rien n'est secret dans nos intentions,
Et qui vois sans nous voir toutes nos actions,
Si de ton art divin le pouvoir admirable
Jamais en ma faveur se rendit secourable,
De ce père affligé soulage les douleurs.
Une vieille amitié prend part en ses malheurs
Rennes ainsi qu'à moi lui donna la naissance,
Et presque entre ses bras j'ai passé mon enfance ;
Là de son fils et moi naquit l'affection ;
Nous étions pareils d'âge et de condition.
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ALCANDRE
Dorante, c'est assez, je sais ce qui l'amène
Ce fils est aujourd'hui le sujet de sa peine.
Vieillard, n'est-il pas vrai que son éloignement
Par un juste remords te gêne incessamment,
Qu'une obstination à te montrer sévère
L'a banni de ta vue et cause ta misère,
Qu'en vain au repentir de ta sévérité,
Tu cherches en tous lieux ce fils si mal traité ?
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PRIDAMANT
Oracle de nos jours qui connais toutes choses,
En vain de ma douleur je cacherais les causes :
Tu sais trop quelle fut mon injuste rigueur,
Et vois trop clairement les secrets de mon coeur.
Il est vrai, j'ai failli, mais pour mes injustices
Tant de travaux en vain sont d'assez grands supplices.
Donne enfin quelque borne à mes regrets cuisants,
Rends-moi l'unique appui de mes débiles ans ;
Je le tiendrai rendu si j'en sais des nouvelles,
L'amour pour le trouver me fournira des ailes.
Où fait-il sa retraite? En quels lieux dois-je aller ?
Fût-il au bout du monde, on m'y verra voler.
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ALCANDRE
Commencez d'espérer ; vous saurez par mes charmes
Ce que le ciel vengeur refusait à vos larmes ;
Vous reverrez ce fils plein de vie et d'honneur ;
De son bannissement il tire son bonheur.
C'est peu de vous le