L imagination au pouvoir
L’IMAGINATION AU POUVOIR !
Par Gilbert GUISLAIN Professeur de culture générale au lycée Jules Ferry à Versailles, Intervenant en culture générale au lycée Grandchamp (Versailles) et à Saint Louis De Gonzague-Franklin à Paris
Comme le proposait la contestation de 1968 contre la raison technocratique, ne faut-il pas mettre « l’imagination au pouvoir » ? Ce slogan serait celui de bien des passionnés, des chercheurs, des inventeurs, des découvreurs souvent en marge, au cours de l’histoire, des pouvoirs bureaucratiques. Nous allons montrer ici les limites et les forces de l’imagination. De nombreux exemples les révèlent, aussi divers que le château du Roi Pêcheur dans Perceval de Chrétien de Troyes, les compositions d’Arcimboldo, les utopies, de Rabelais à Le Corbusier, les peintures de Jérôme Bosch ou de William Blake, le fantastique comme le féérique. Il en va de même pour l’Orient fantasmé au XVIIIè siècle ou de l’univers peint par Gauguin, exotique et sensuel des îles. L’imagination entretient un rapport privilégié au roman et aussi avec le mouvement littéraire du romantisme.
Définir et critiquer l’imagination
Qu’est-ce que l’imagination ? N’est-elle qu’une partie de l’esprit, une image mentale, une simple trace de perception ? L’esprit ne serait-il qu’une scène peuplée d’images, comme le précisait l’empirisme de Hume ? Dans Eléments de philosophie (1917-1941), Alain réfute cette thèse des images mentales, puis la phénoménologie de Husserl affirme l’intentionnalité de toute science. Pour Sartre, dans L’imagination (1936), l’image est un acte et non une chose. Ma conscience n’est pas habitée par l’image de l’objet. « Quand je perçois une chaise, il serait absurde de dire que la chaise est dans ma perception. La chaise n’est pas dans ma conscience… » (L’Imaginaire, 1940). L’imagination est la visée d’objets absents : « Mon image de Pierre, c’est une certaine manière de ne pas le voir ; une image donne son objet comme