L'immoraliste - André Gide
L’étude d’un passage de roman peut toujours paraître un parcellaire. Cette appréhension peut être d’autant plus justifiée que l’objet du roman consiste à affranchir l’homme, en lui montrant qu’il n’y a pas d’autre règle que l’amour de la vie. Or, il n’en est rien. Cet extrait de L’immoraliste d’André Gide écrit en 1902 ne pouvait mieux être choisi pour illustrer le projet de l’auteur. Ce roman laisse l’histoire se dérouler d’elle-même comme s’il ne fallait pas offusquer le temps. L’histoire de Michel, le narrateur personnage de L’immoraliste, se confond avec celle de son auteur. En effet, comme son personnage, Gide a séjourné à Biskra pour soigner une maladie qui pouvait être mortelle. C’est d’ailleurs peut-être ce séjour passé en sanatorium pour lutter contre la tuberculose qui incite l’auteur à évaluer le prix de l’existence. Comment peut-on apprécier la vie lorsque la peur incessante de la mort nous guette ? Pour répondre à cette question, le narrateur décide de nous livrer son expérience. Celle-ci consiste à s’approprier l’espace et le temps passé par le biais de la mémoire. Puis, il jouit de l’instant présent et développe sa passion de vivre. Enfin, il se projette dans le futur armé de ses doutes mais également de son courage qui lui permettent de regarder la mort en face pour se sentir encore plus intensément exister.
Le souvenir d’un récit de vie peut apporter une satisfaction lorsqu’il fait résonance avec le présent intime. D’une part, la narration semble avoir besoin d’être énoncée à la première personne du singulier et vise en cela à construire une focalisation interne. D’autre part, le narrateur éprouve la nécessité de décrire ce qui l’entoure et de ressentir le cours du temps pour éprouver l’instant en le dissociant du passé.
L’extrait commence par le souvenir de la dernière nuit de son séjour à Biskra (« Je me souviens »). Michel emploie la première personne du singulier pour raconter