L’amitié est-elle la forme privilégiée de la connaissance d’autrui ?
Spontanément, on aurait plutôt tendance à croire que l’amitié (comme l’amour) aveugle, rend complaisant envers ceux qu’on aime. Le jugement y perd en objectivité.
Toutefois, la connaissance suppose une capacité d’ouverture, il faut accepter d’épouser les formes singulières de ce qui est étudié ; cette plasticité requiert une disponibilité de temps et d‘énergie que seule la passion est capable de fournir. En ce sens, la formule de saint Augustin se comprend : « On ne connaît bien que ce qu’on aime ». Le souci de connaissance prend la forme d’une « vocation dévote ».C’est peut-être à cette seule condition que l’activité de connaissance évite la tentation de l’assimilation de l’inconnu au connu et les autres réductions falsifiantes. La sympathie est peut-être la voie de la véritable objectivité.
La résolution du problème implique de réfléchir sur les rapports entre l’autre et l’activité cognitive.
Autrui est-il un objet de connaissance comme un autre ? Ou est-il bien plus retors, car fondamentalement secret…L’amitié qui est une forme de rapport qui lie un sujet à un autre de manière privilégiée, n’est-elle pas un écran déformant supplémentaire entre moi et l’autre ?
Aristote distingue « l’homonoia » le consensus ( la concorde, l’identité de vue) qui lie entre eux tous les citoyens d’une République bien constituée de la « philia » l’amitié, par laquelle on goûte le plaisir de la relation avec cet homme particulier, en tant qu’il est ce qu’il est » Ethique à Nicomaque VIII 3,1156 a 16
L’amitié est à la fois prise en compte de la singularité individuelle de l’ami, (ses goûts et dégoûts, sa façon propre de bouder