R Ceptions Ordinaires Ernaux 1
SOCIALE – LECTEURS D’ANNIE ERNAUX
Par Isabelle CHARPENTIER
Université de Versailles – Saint-Quentin-e n-Yvelines – C.S.E. (E.H.E.S.S. –
C.N.R.S.)
Revendiquant une position originale - sinon marginale - dans le champ littéraire,
Annie Ernaux affirme dans Une Femme (Gallimard, 1988) qu’elle entend placer son œuvre « au-dessous de la littérature, […] quelque part entre la littérature, la sociologie et l’histoire ». Situant sa démarche à la croisée de l’autobiographie littéraire et de l’auto-analyse, il s’agit pour elle, dans une œuvre qui, sous de multiples aspects, se présente néanmoins avant tout comme « littéraire », de retracer tout au long de ses récits
- qu’ils soient implicitement autobiographiques comme au début de l’entrée en écriture en 1974 (Les Armoires vides), ou explicitement à partir de La Femme gelée (1981) et surtout de La Place (1984) - sa trajectoire sociale, en essayant de faire un travail de sociologue, i.e. en fournissant les éléments d’une analyse sociologique tant de cette trajectoire sociale que des effets qu’elle a produits sur son écriture, et ce aussi bien dans les thèmes qu’elle aborde - peu habituels, au moins sous cette forme et avec cette systématicité, dans le champ littéraire contemporain -, que dans le style qu’elle construit progressivement. L’écrivaine cherche ainsi à rendre compte de ses propres conditions sociales de production (et de celles de ses «semblables sociaux »), mais aussi de la position qu’elle occupe dans le monde social, plus précisément de ’lensemble des positions qu’elle y a successivement occupées, pour devenir ainsi « l’ethnologue
[d’elle -]même ». L’œuvre d’Annie Ernaux vise à décrire les effets des déplacements dans l’espace social sur les perceptions du monde social et politique au sens large du terme, les effets de la confrontation à la culture légitime par le biais de l’école, la rupture que cette dernière introduit avec le milieu familial d’origine -