Où veut-on en venir ? Dans quelle sorte de société de merde est-on en train de nous précipiter ? Le sort actuel des jeunes Maghrébins de la seconde génération est, à cet égard, exemplaire. Nés en France ou y vivant depuis leur enfance, ils sont aujourd’hui un million cinq cent mille à être pris pour cibles, non seulement par les flics en uniforme, mais aussi par les flics miniatures implantés dans la tête de tout un bon peuple en mal de sécurité. Inutile de leur mettre des étoiles jaunes, on les détecte au premier regard, au feeling. Objets de haine et de fascination, l’inconscient collectif les a relégués dans ses zones d’ombre les plus inquiétantes. Ils incarnent tous les maléfices de notre société, toutes les incertitudes de la situation présente. Alors que, dans le meilleur des cas, les travailleurs immigrés de la première génération – vous savez, ceux que l’on voit sur les chantiers avec leurs pelles, leurs marteaux piqueurs, leurs cirés jaunes et leurs gamelles – relevaient d’une sorte de « complexe de l’Oncle Tom », fait de compassion et de mépris, ces jeunes sont vécus comme une nouvelle race de fauves urbains, qui risquent de contaminer, par leur exemple, la partie la plus exposée de notre blanche et saine jeunesse. Leur vitalité provocante est subversive en tant que telle ; leur bronzage permanent est ressenti comme une provocation. Et puis, c’est énervant, on dirait qu’ils sont constamment en vacances ! Ils semblent aller et venir à leur guise. Il n’est évidemment pas question de réaliser que leur « disponibilité » apparente et, pour quelques-uns, leur délinquance résultent principalement de leur exclusion sociale, du chômage et de la nécessité, fréquente pour nombre d’entre eux, d’échapper au quadrillage territorial. Il est toujours plus facile de criminaliser les victimes et de fantasmer sur leur dos que de faire face aux réalités !
Pour exorciser un tel phénomène, pour chasser cette jeunesse de ses rues et de son imaginaire, la société française a