Y a t il un devoir de bonheur ?
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Cette responsabilité de la raison peut-elle être elle-même qualifiée de devoir ? La prise en compte nécessaire du bonheur, même sur le compte de la condition, peut-elle finalement faire figure de partie intégrante du devoir ? Cela reviendrait à parler d’un devoir que nous aurions vis-à-vis de notre propre bonheur, ce que même Kant ne nie pas tout à fait : « assurer son propre bonheur est un devoir (au moins indirect) ; car le fait de ne pas être content de son état, de vivre pressé par de nombreux soucis et au milieu de besoins non satisfaits pourrait devenir aisément une grande tentation d’enfreindre les devoirs » . Voilà le bonheur qui accède au rang de devoir, non pas immédiatement, mais de façon médiate (qui suppose un processus ayant impliqué un intermédiaire). La Critique de la Raison pratique relève elle aussi cet argument selon lequel il ne faudrait pas que le malheur ne déchaîne l’immoralité, tout en ajoutant une idée différente : « ce peut être même à certains égards, un devoir de prendre soin de son bonheur : d’une part parce que le bonheur (auxquels se rapportent l’habileté, la santé et la richesse) fournit des moyens de remplir son devoir » .
Si le bonheur peut bien contribuer à alimenter la morale, c’est aussi qu’il vaut mieux, à choisir, que ce soit le bonheur qui nous rende moraux plutôt que le malheur. Il s’agit en effet de veiller à ce que le malheur ne devienne pas le mobile inavoué de la moralité : la moralité ne peut être réductible à l’aigreur, ce qui impose de ménager au bonheur une place dans la morale. Faute de cela, toute théorie de la morale et du devoir prêterait le flanc aux démystifications cyniques, promptes à n’y voir qu’un déguisement de la convoitise ou de la