Écriture d'invention
Sganarelle, debout, plein de hargne
Mes gages, mes gages ! Faut-il que je sois sot de m'être laissé abuser par mon maître et par la mort. Elle arrive, il s'en va, et je suis bien seul. Seul et sans argent. Car c'est mon argent que je veux ! Mon argent vous dis-je ! Qu'ai-je affaire de tous ces tracas ? Je ne suis pas mon maître et mon maître n'est pas moi. Il est mort, je suis bien vivant et qu'enfin on me laisse vivre ma vie ! N'ai-je point mérité le repos ? N'ai-je point été un bon serviteur, une bonne âme, un bon compagnon ? Allons, mes gages, et que je m'en aille !
Toujours seul, mais se tournant vers la porte
Quelle est donc cette sombre lueur, là-bas ? Qui vient ? Qui est là ? Nul bruit pourtant, rien (Il se pince le bras), je suis seul. La lune sans doute... Oui, voilà bien aujourd'hui mon unique compagne ! N'aurai-je donc jamais droit au soleil, ni à l'éclat des belles choses ni au faste de la vie ? Je veux pour récompense vivre chiquement, dans des habits d'or et d'argent, de beaux habits brodés, bien chauds l'hiver, et si légers l'été. Je veux rouler carrosse, je veux, je veux... Je veux mon argent !
Ah,pauvre valet que je suis, la somme de mes gages de toute une vie et celle réunie des valets et de tous les laquais du royaume ne suffirait pas à l'achat du moindre soulier percé, du plus triste habit confectionné par le plus mauvais des tailleurs !
Et à présent me voilà plus pauvre que pauvre ! Que n'ai-je suivi ce traître de maître ! Oui, vraiment, « un grand seigneur méchant homme est une terrible chose ! » Hâbleur, menteur, calculateur, manipulateur, imposteur, voilà Dom Juan l'homme que tu étais. Mais moi, moi qui suis honnête homme, moi qui n'ai jamais connu ni le désordre de la chair ni la vanité de l'esprit, moi qui n'ai connu ni l'impiété ni l'infidélité, moi qui reste et