Éducation
PhiliPPe BAYART
(1959-2006)
Docteur en sciences économiques, membre associé du Centre d’économie de la Sorbonne, Laboratoire Matisse (UMR 8174), Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (bayart.p@wanadoo.fr) Résumé : L’article traite des rapports entre éducation et développement à partir d’un cas très particulier, celui de Cuba. C’est en effet le seul pays dit en transition à être parvenu – contre toutes les recommandations et pressions internationales – à maintenir, malgré la grave crise des années 1990, le niveau de dépenses publiques sociales et éducatives qui lui permet de figurer dans le groupe des pays à IDH supérieur. Insatisfait de l’approche a-historique et économiciste des effets de l’éducation sur la croissance propagée par la théorie du capital humain, nous émettons l’hypothèse que la relation entre éducation et croissance peut être inversée par rapport à celle postulée par les économistes. L’éducation cubaine représente en effet un moyen d’action délibéré et multidimensionnel sur les structures, contribuant avec ses complémentarités et ses contradictions au développement du pays. Nous aborderons enfin les transformations intervenues dans l’économie cubaine depuis le début de la décennie 1990. mots clés : Cuba, éducation, développement, capital humain, économie socialiste
Revue d’études comparatives Est-Ouest, 2010, vol. 41, n° 1, pp. 63-92
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1. les limites de l’Approche théorique du cApitAl humAin pour les pAys en développement
1.1. les incohérences et les incomPlétudes théoriques C’est depuis le début des années 1960 que les questions relatives à l’investissement dans le secteur de l’éducation ne cessent de susciter un intérêt croissant centré sur le thème de la rentabilité. Misant sur l’appropriation individuelle des connaissances, les fondements théoriques et l’analyse économique de l’éducation se sont constitués progressivement et