Extrait de Donner du sens. Actes du colloque international organisé par l’Association Suisse de Sémiotique (ASS/SGS), Zurich, 11-12 avril 2003, Ursula Bähler, Evelyne Thommen et Christina Vogel (éds), Paris, L’Harmattan, 2005 (collection « Sémantiques »), pp. 145-164 (avec l’autorisation de l’éditeur)

8 Lire le prologue du Chevalier de la Charrette de Chrétien de Troyes
Ursula Bähler
Université de Zurich

A la mémoire de Karl D. Uitti

1. Point de départ - hypothèses de lecture Au moins depuis la parution, en 1883, d’un article substantiel de Gaston Paris consacré au Chevalier de la Charrette – article qui, par ailleurs, voyait développé pour la première fois le concept d’« amour courtois » appliqué à la relation entre la reine Guenièvre et Lancelot 1 – l’interprétation du prologue de ce roman ne cesse, on le sait, d’intriguer les exégètes 2. Les difficultés tiennent essentiellement au fait que ce morceau, qui comprend les vingt-neuf vers initiaux du texte, contient quelques expressions, tels le fameux « funs » du v. 12 ou « san » au v. 26, dont le sens précis nous échappe. Mon idée de départ est pourtant que ces difficultés sémantiques, qui sont réelles, cessent jusqu’à un certain point d’être un obstacle insurmontable à la compréhension du prologue si l’on passe du niveau des mots isolés à
1 S’il est vrai que l’expression « amour courtois » est déjà présente à u n endroit dans Paris 1881, le développement « conceptuel » de cette expression ne se trouve pourtant que dans Paris 1883. Voir, à titre d’exemple, dans l’ordre chronologique, Rychner 1967, Rychner 1968, Lecoy 1968, Rychner 1969, Frappier 1972, Rychner 1972, Ollier 1974, Uitti 1984, Janssens 1986, Hult 1989, Hunt 1994.

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celui de la structure dans son ensemble et, simultanément, du plan du sémantisme propre à chaque lexème à celui des isotopies en jeu. Un autre aspect duquel on n’a pas suffisamment tenu compte, à mon avis, est que le prologue joue de manière à la