À quoi devons nous obéir?
Obéir signifie se soumettre à un ordre qui par là même s'impose, rendre sa volonté adéquate, la conformer à ce à quoi elle obéit ainsi. Mais l'ordre en question peut être de nature multiple: il peut s'agir d'une règle ou d'une loi, de la volonté de quelqu'un d'autre, ou encore d'une nécessité naturelle. Ce faisant, l'obéissance, dans sa possibilité même, paraît impliquer deux choses. D'une part une « plasticité » de la volonté, qui pourrait, dans une certaine mesure, se faire à l'image de ce à quoi elle obéit, en quelque sorte « contre » l'identité de celui qui veut. En modifiant sa volonté pour la rendre conforme à quelque chose hors de soi, à un « quoi » au dehors et non plus à un « soi-même », il semble que ce n'est plus comme tel par soi et en vertu de son identité profonde, celle d'un sujet au sens plein du terme, que la volonté soit exercée. Ainsi d'autre part, l'obéissance nous place-t-elle face au phénomène complexe d'une possibilité de vouloir, autrement dit de motifs qui, venant de soi-même (en tant précisément qu'ils peuvent être voulu), entrainent pourtant une forme « d'aliénation », l'effacement volontaire (en cela paradoxal) du vouloir personnel.
L'obéissance quelle qu'en soit l'objet, en tant que c'est à un « quoi » qu'elle est associée, paraitrait ainsi correspondre au phénomène d'une perte d'identité, au sens où l'acte par lequel on se soumet ne peut être à la fois une expression « pure » du moi, du sujet auquel la volonté est rapportée en droit (comme son substrat: le support de la volonté) alors pourtant que l'obéissance qui correspond à cette perte serait un mouvement de la volonté. La question deviendrait alors de savoir ce qui peut déterminer la volonté de la sorte: quels peuvent être ces motifs et dans quelle mesure la contradiction interne qu'il paraissent induire peut-elle être tolérée? Qu'est ce qui peut conduire la volonté à renoncer ainsi à elle-même, et dans quel mesure un tel « renoncement »