Rainer Maria Rilke

Checker roulait à vive allure, grillant allègrement les feux et se moquant des appels de phare courroucés que lui adressaient les véhicules venant en sens inverse. L’autoradio à cassettes diffusait à plein volume un enregistrement grésillant de Maria Callas. Près du tableau de bord, un bâton d’encens tibétain se consumait dans une coupelle en pierre et dégageait une odeur incommodante de cuir, d’anis et de bois de santal. — Vous pouvez me dire où on va ? Curtis répondit avec douceur : — Je crois

t’arrive, nous l’ignorons. Il faudrait être cent papillons pour lire toutes ces pages. Il y en a d’entre vous qui sont comme des dictionnaires Ceux qui les cueillent Ont envie de faire relier toutes ces feuilles. Moi, j’aime les roses épistolaires. Rainer Maria Rilke, « Les Roses » (1927), Œuvres, Seuil, 1972. Présence et effacement du poète Les marques de l’énonciation peuvent être discrètes, voire invisibles. Le poète semble s’effacer derrière le sujet de son poème. Néanmoins, des indices spatio-temporels

permanente et révèle grâce à la pureté de son regard ce qui est enfoui. Sentir, voir ou rêver et faire germer, tel est le processus de création poétique. « Au sein de l’encre, la pierre recommence à germer » écrit Gaston Bachelard (29). Le poète Rainer Maria Rilke écrivit dans ses Lettres à un jeune poète ce conseil tel qu’Éluard aurait pu le formuler : Laissez chaque impression et chaque germe de sensibilité s’accomplir en vous, dans l’obscurité, dans l’indicible, l’inconscient, là où l’intelligence

itinéraire de la façon suivante : « Nous voici longeant le mur du boulevard de Port-Royal : un long mur triste d’asile ou d’hôpital, un de ces murs que Rilke rencontrait partout, dans ses promenades mélancoliques, lors de ses premiers séjours ici. »1. L’analogie créée permet au lecteur de « voir » plus nettement le paysage évoqué; l’empreinte de Rainer Maria Rilke se ressent : l’angoisse (celle du narrateur) et la solitude (celle des deux personnages marchant côte à côte) sont omniprésentes. Dans Le planétarium