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Université du Québec à Montréal
Limites de la déconstruction.
Les traces persistantes du patriarcat dans « The Babysitter » de Robert Coover
P
ostmodernisme : éclatement, multiplicité, renversements.
En littérature, ce courant se caractérise précisément par une abondance de caractéristiques parfois contradictoires. Des décennies plus tard, il n’existe toujours pas de consensus quant à sa définition. Sous le drapeau postmoderniste se rassemblent des écritures aux stratégies formelles disparates, dont l’ensemble est antimonolithique; polylithique, même, car ces fictions distinctes, avec leurs messages à la fois pluriels en eux-mêmes et différents les uns des autres, sont pourtant selon la critique tout aussi représentatives du postmodernisme les unes que les autres. À cause de cette pluralité des pratiques au sein de son corpus, le postmodernisme échappe souvent à l’exégèse; la difficulté interprétative, en définitive, est devenue une de ses propriétés les plus citées et le refus de toute glose, son message le plus frappant. En fuyant le pouvoir hégémonique de la définition, le postmodernisme littéraire illustre combien l’imposture est le
LIMITES DE LA DÉCONSTRUCTION
risque inhérent à tout exercice de synthèse. Tout regard totalisant est considéré comme suspect; tout discours, parce qu’ancré dans le langage qui est considéré comme biaisé en lui-même, est traité comme un genre particulièrement pernicieux de totalitarisme.
Le postmodernisme, depuis Lyotard, est souvent défini à partir de ce projet de remise en question des grandes idéologies et de relativisation de la neutralité apparente des structures de pouvoir.
Cette même préoccupation est au cœur du mouvement féministe, dont l’objectif est de mettre à nu, de questionner et de renverser le système politique prétendument neutre qu’est le patriarcat. Quels sont les points de jonction entre le postmodernisme et le féminisme?1 Si leurs prémisses se ressemblent, ces deux contre-discours se