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Samy Cohen
La question des rapports entre les acteurs transnationaux (ATN) et les États a donné lieu, depuis le début des années 19901 , à une abondante littérature. À en croire certains auteurs, en quinze ans, un nouvel équilibre des pouvoirs se serait instauré entre les États et cet ensemble hétéroclite constitué par les ONG (organisations non gouvernementales), les firmes multinationales, les opérateurs financiers, les migrants, les terroristes, les trafiquants de drogue, les mafias et une infinité d’autres acteurs privés. La montée en puissance des ATN aurait considérablement transformé le paysage international, abolissant la position de monopole que détenaient les États sur la scène mondiale. La politique étrangère, nous dit-on, serait devenue «obsolète » 2 . Le discours sur le «déclin » de la souveraineté étatique s’est progressivement imposé. Une nouvelle doxa est née.
Le « troisième échiquier »
Au début des années 1990, James Rosenau, l’un des penseurs les plus marquants de ce courant, développe l’idée qu’avec la mondialisation et la « transnationalisation », nous sommes entrés dans une ère de « turbulences » mondiales3 . L’État ne disparaît pas, mais il n’a plus les mains libres et ne contrôle plus les événements. Pour lui, le système interétatique ne constitue plus le pivot central de la vie internationale. Il coexiste avec un système
« multicentré », les acteurs non étatiques devenant les déterminants principaux de la politique étrangère. Le sentiment de soumission et de loyauté des individus et des groupes à l’égard des autorités étatiques faiblit, alors que leur capacité à s’émouvoir pour un drame lointain s’accroît. Les compétences effectives des gouvernements nationaux se sont érodées avec la prolifération des groupes transnationaux. Une véritable «bifurcation » s’est opérée entre le
« monde des États » et le monde « multicentré », chacun d’eux obéissant à des principes contradictoires : alors que le premier