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Intervention de M. Jacques FAGET (Sociologue)
dans nos sociétés, il y a une stratégie de conquête du statut de victime. Pour être victime, ce n’est pas facile, il faut deux conditions minimales: il faut que quelqu’un se plaigne, ie qu’il revendique le statut de victime. Le même fait peut être perçu de manière différente par les acteurs sociaux.
Il faut que cette revendication soit acceptée, ie il faut être reconnu par les autres comme victime. Pour être reconnu comme tel, il faut être une « bonne » victime, ie il faut que la victimisation soit en conformité avec les valeurs sociales dominantes, et il faut qu’il y ait des processus d’identification sociale. Il faut donc une relative proximité entre la situation de la victime et des citoyens.
Nos sociétés ne valorisent plus le mythe du héros mais la victime. Nos sociétés recherchent la compassion d’autrui, nous sommes dans une société de réparation généralisée. Le processus de judiciarisation croissant est symptomatique de la course à la victimisation, alors même que la violence n’a jamais été aussi basse, et que les conditions de vie n’ont jamais été aussi bonnes.
Trois raisons: une hypothèse scientifique: avec le progrès scientifique, on cherche à savoir davantage que par le passé et on recherche frénétiquement des responsabilités. Cette recherche de responsabilité induit des processus victimaires.
Une hypothèse institutionnelle: On peut analyser la pulsion victimaire comme une conséquence des effets pervers de l’Etat providence, par le développement d’attitude de dépendance. Nous sommes assurés et protégés comme jamais nous l’avons été et des mécanismes de solidarité institutionnelle ont remplacé des mécanismes de solidarité naturelle.
Une hypothèse juridique: la montée des droits subjectifs a favorisé la montée des revendications juridiques des citoyens, qui recherchent une égalité réelle.
Une hypothèse sociale: la culture du bien-être a créé une intolérance à l’événement qui