Ab urbe
Mon sujet demande, en outre, un immense travail, puisqu’il remonte à plus de sept siècles et qu’après un début fort modeste, l’État romain s’est accru au point de plier aujourd’hui sous sa propre grandeur. De plus, la grande majorité des lecteurs goûteront peu, j’en suis sûr, le récit de nos toutes premières origines et des événements qui viennent immédiatement après, et auront hâte d’arriver à ces derniers temps où, après une longue supériorité, la puissance romaine se détruit elle-même. Tandis que moi, l’un des avantages que je compte retirer de mon travail, ce sera de trouver, du moins tant que mon esprit s’appliquera tout entier à retrouver ces antiquités, une diversion aux spectacles funestes dont notre siècle a été si longtemps le témoin, et de ne pas connaître tous les soucis qui, sans aller jusqu’à détourner l’historien de la vérité, pourraient être en tout cas une gêne pour lui.
Quant aux événements qui ont précédé immédiatement la fondation de Rome ou ont devancé la pensée même de sa fondation, à ces traditions embellies par des légendes poétiques plutôt que fondées sur des documents authentiques, je n’ai l’intention ni de les garantir ni de les démentir. On accorde aux anciens la permission de mêler le merveilleux aux actions humaines pour rendre l’origine des villes plus vénérable ; et d’ailleurs, si jamais on doit reconnaître à une nation le droit de sanctifier son origine et de la rattacher à une intervention des dieux, la gloire militaire de Rome est assez grande pour que, quand elle attribue sa naissance et celle de son fondateur au dieu Mars de préférence à tout autre, le genre humain accepte cette prétention sans difficulté, tout comme il accepte son autorité.
Mais ces faits et ceux du même ordre, de quelque façon qu’on les envisage ou qu’on