Adolf Hitler
La trajectoire d'Adolf Hitler n'a guère d'équivalent dans l'histoire ; elle était sans précédent dans l'histoire allemande. Voilà un raté scolaire et un marginal social devenu agitateur politique qui, après avoir été condamné à la prison pour haute trahison en 1923, acquiert la nationalité allemande en 1932 et s'assied, en janvier de l'année suivante, sur le siège de Bismarck. Devenu un homme d'État extraordinairement populaire en son pays, il plongea ce dernier et l'Europe entière dans la pire catastrophe d'un siècle qui n'en fut pourtant pas avare.
La trajectoire de cet homme, dont on a dit qu'il avait été constamment sous-estimé, pose la question de ses talents ou, plus exactement, de l'adéquation entre ceux-ci et les aspirations de la société allemande. Sans des conditions historiques particulières, on peut douter que les Allemands se seraient ralliés à lui ; ils ne l'auraient pas fait quelques décennies plus tôt. Même si on ne prétend pas y répondre exhaustivement, cette question mérite d'être gardée à l'esprit.
I - Un raté social
Né le 20 avril 1889 dans la petite ville autrichienne de Braunau-sur-l'Inn, non loin de Linz, Hitler eut une enfance partagée entre l'affection de sa mère et une relation conflictuelle avec son père. Cet homme modeste, qui s'était hissé au rang d'inspecteur des douanes, rêvait pour son fils d'une carrière de fonctionnaire, perspective devant laquelle celui-ci regimbait en arguant de son intérêt pour l'art. Après la mort de son père et un parcours scolaire médiocre, le jeune Hitler partit pour Vienne, où il essuya un double échec au concours d'admission à l'Académie des beaux-arts. La mort de sa mère étant survenue peu après, le jeune homme mangea son petit héritage en rêvant d'un grand destin, avant de glisser dans la marginalité. De 1908 à 1913, il vécut de menus travaux et de la vente d'aquarelles qu'il peignait, confronté à l'expérience des asiles de nuit. Lecteur assidu, il s'imprégna d'une