Ahmadou kourouma
Jan Goes
1. Introduction Il est évidemment tout à fait fallacieux de prendre tout un sous-continent comme domaine d’une étude littéraire : l’Afrique noire n’est pas uniforme, archaïque, rurale, gardienne de traditions séculaires1. Elle est cela, mais beaucoup d’autres choses encore. Depuis 1945, l’Afrique a énormément changé, hélas, pas toujours dans un sens positif. Il n’a échappé à personne que c’est tout un continent qui est en crise, une crise qui s’est accentuée ces dix dernières années. Les décolonisations, l’exode rural, la croissance incontrôlée des villes, l’irruption des techniques nouvelles, l’adoption de nouveaux comportements, les progrès (avec des hauts et des bas) de la scolarisation ont bouleversé la vie africaine en profondeur. Cela a, évidemment, eu une incidence sur la littérature. Si cette dernière s’est considérablement développée à l’écrit, on peut constater que la culture orale tend à disparaître: « (…) en dépit des efforts déployés par un Bernard Dadié ou un Birago Diop en vue de recueillir cette tradition orale, le temps n’est peutêtre plus très éloigné où contes et légendes de la savane et de la forêt n’apparaîtront plus que comme les vestiges d’une culture du passé. » (Chevrier, 1999²: 7). À une civilisation de l’oralité se substitue donc une civilisation de l’écrit dont la littérature négro-africaine de langue française n’est qu’un aspect. Cette littérature se manifeste dès les années vingt. De plus, comme le note fort justement Emmanuel B. Dongala : « S’il est légitime de parler d’une « littérature africaine », il est de plus en plus évident que les pays autrefois uniformisés par la colonisation se sont de plus en plus différenciés avec les années qui passent, et chacune de leurs sociétés engendre des préoccupations ou du moins des priorités divergentes suivant le type de régime politique qu’elles subissent… » (Cité par Chevrier, 2003 : 13). Il devient donc « légitime », comme nous y