Minc excelle à les écrire lorsqu'il s'agit de manier les paradoxes, de brocarder les idées à la mode ou simplement de faire un peu de provocation en usant de sa culture encyclopédique. Le voici donc qui s'aventure à décrire les grands traits du monde qui vient. Certes, il sera dominé par les Etats-Unis, devenus un "pays-monde", et non plus le concentré et le symbole de l'Occident, tant est grande leur capacité à attirer et à intégrer les hommes entreprenants venus d'ailleurs dans un gigantesque melting-pot. Et il y aura la Chine, et son capitalisme voyou, où tous les coups sont permis pour l'emporter: elle sonnera le glas de la gouvernance d'entreprise et de l'Etat-providence, redonnant à la vision marxiste une actualité qu'elle avait perdue.

Quant à l'Europe, ses élargissements successifs ne suffiront pas à lui donner une âme; il lui faudra surtout s'inventer un nouveau modèle économique pour contrer son vieillissement et son isolement. La France, malgré ses "arthritismes", est mieux lotie que l'affirment les "théologiens du déclin". Car son déclin est surtout social et intellectuel: des exclus en grand nombre, un modèle d'intégration en panne, une protection sociale qui incite à l'inactivité et au travail au noir.

Rien de cela n'est faux - encore que sa thèse d'un chômage largement volontaire laisse sceptiques les spécialistes -, mais le degré de généralité de l'analyse est tel que l'on pourrait, en retenant d'autres illustrations, soutenir l'inverse. Alain Minc séduit plus qu'il convainc, il survole plus qu'il n'analyse, il affirme plus qu'il ne démontre. Ce sont les limites du chatoiement: tout ce qui brille n'est pas d'or.

Ce monde qui vient, par Alain