Altérité et énonciation visuelle
Omniprésente et indéfinissable sinon par son opposition avec l’identité, la notion d’altérité semble partout également pertinente. Il convient donc de délimiter le champ d’application dans lequel nous proposons d’en considérer les valeurs – ici il s’agira de la perception et de l’esthétique – et d’examiner le mode de traitement que recommandent les approches théoriques et méthodologiques qui la prennent en charge – soit ici la sémiotique. Dans le cadre disciplinaire choisi, s’agit-il de la réduire par la recherche de cohérence, de la maîtriser par l’analyse ou d’en exacerber, rhétorique à l’appui, les valeurs oppositives ?
L’étude de l’altérité interrogeant ainsi les pratiques descriptives et analytiques ainsi que leurs enjeux, nous considérerons d’abord la place qu’occupe l’altérité dans la sémiotique de tradition européenne, greimassienne et parisienne, puis le traitement tensif que celle-ci propose de l’opposition fondatrice et fondamentale altérité-identité. Dans le cadre méthodologique ainsi dressé, quelle place et quelle fonction accorder à l’altérité dans une sémiotique de l’énonciation visuelle et de l’esthétique ? Comment décrire les formes de l’altérité que sont le paradoxe et les tensions contradictoires perceptibles dans les œuvres d’Outrenoir de Pierre Soulages et sur lesquelles insistent les critiques et commentateurs de ces oeuvres ?
1. L’altérité en sémiotique
Qu’en est-il de l’altérité en sémiotique greimassienne ?
Dans le premier tome du Dictionnaire d’A.J. Greimas et J. Courtés paru en 1979, l’article consacré à l’altérité est relativement réduit, mais les renvois aux notions d’identité et de différence permettent de mesurer son importance dans le système sémiotique. L’altérité est d’abord présentée comme un concept non définissable qui s’opposerait à un autre du même genre : l’identité. Le couple identité et altérité serait interdéfini par une relation de présupposition réciproque. Quant aux